mardi 22 février 2011

L'art de traire les orchidées

Portrait de Molière dans le rôle de César, 1658
Nicolas Mignard (1606-1668)
Dans « L’Avare », Molière fait dire à l’un de ses personnages : « Mon Dieu! je sais l’art de traire les hommes, j’ai le secret de m’ouvrir leur tendresse, de chatouiller leurs cœurs, de trouver les endroits par où ils sont sensibles. » Il s’agit, en fait, du personnage de Frosine, une intrigante. J’ai toujours aimé cette réplique, la pièce, le personnage aussi.

À l’instar de Frosine, je dirais que moi aussi je sais l’art de traire les hommes, mais je préfère de loin traire les orchidées. Je sais leur parler, les réconforter, les flatter dans le sens du poil pour qu’elles me prodiguent toutes leurs richesses, leur beauté bizarre, leur parfum voluptueux, leur charme secret. Je me délecte de leur lait chaud, sucré, coloré. Je les mènerais tous les soirs au bal si je roulais carrosse.

J’en ai une qui me fait les yeux doux quatre mois par année, de février à mai, une autre qui sent le chocolat à la vanille et qui ne fleurit qu’à Pâques. Je connais leurs désirs, leurs goûts, sur le bout de la langue. Mes orchidées aiment le vent, l’humidité, le chant des oiseaux l’été et les bocages ombragés, frais. L’hiver, elles m’accompagnent au bain et nous conversons des heures durant, ou alors je leur lis un ou deux passages d’une pièce de Molière. La scène 5 de l’Acte II de « L’Avare » les fait toujours rire.


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