dimanche 9 octobre 2011

Je suis Juliette Binoche


Le Médecin malgré lui, 1666
Molière (1622-1673)
À l’hôpital, je veille un malade. J’aime cette phrase : le complément de phrase suivi d’une virgule, le pronom, le verbe et son complément. Une phrase simple, belle, vraie, comme je les aime. On pourrait croire au début de quelque chose, un chapitre de roman par exemple, un scénario de film peut-être. Je pense au très beau film d'Anthony Minghella, « Le Patient anglais », avec Ralph Fiennes et Juliette Binoche.

Le patient repose, sa respiration est régulière. Tout à l’heure, un infirmier est venu prendre ses signes vitaux en prévision de l’opération.


Curieusement, dans cet hôpital, malgré la morosité des lieux, tout le personnel sourit : médecins, infirmiers, infirmières, préposés aux bénéficiaires et à l’entretien ménager. Le contraire d’une école, d’une salle de classe. On se croirait au théâtre un soir de première!

Le malade s’est endormi, mais je continue à le veiller. Les malades, il faut toujours les veiller, même quand ils dorment; comme les enfants, ils ont toujours peur qu’on les abandonne. Il faut être là, tout simplement, juste au cas où ils se réveilleraient.

La veille est longue et se prolonge jusqu’au soir. Je profite du sommeil du patient pour corriger quelques copies. Cette semaine, j’ai demandé à mes étudiants d’analyser une scène du « Médecin malgré lui » dans laquelle Molière se moque ouvertement des médecins de son temps. Le crayon rouge à la main, j’hésite avant d’attaquer la première copie. Je réalise soudainement l’absurdité de la situation : je suis dans un hôpital en train de lire une analyse littéraire sur « La satire de la médecine au XVIIe siècle  » !

Le malade s’éveille et me sourit tristement. Je pose mon crayon et m’efforce de sourire à mon tour.

Le patient anglais, celui de l’histoire, Ralph Fiennes, c’est mon amoureux. Moi, je suis Juliette Binoche.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire