jeudi 13 octobre 2011

J'ai toujours pensé que les chaises étaient des extra-terrestres

Les chaises, 1951
Eugène Ionesco (1912-1994)
J’ai toujours pensé que les chaises étaient des extra-terrestres. À quatre ans, déjà, j’en étais persuadé et je ne m’approchais d’elles qu’avec appréhension et circonspection. Quand j’y repense aujourd’hui, je me dis que Munch et Kafka me comprendraient, sans nul doute.

Je criais au meurtre chaque fois que ma mère m’asseyait dans ma chaise haute à l’heure des repas. Les mères devraient y penser deux fois avant de faire avaler de force à leurs poupons de la purée de carottes et de la simili-viande en pot dans des chaises de contention! Freud, qui ne l’avoua jamais, ne s’en est jamais remis!

C’est que les chaises envient notre position verticale : elles n’attendent que le moment propice pour mieux nous assujettir. Rimbaud l’avait compris, lui, avant tout le monde; on n’a qu’à relire « Les assis » pour s’en convaincre.

Il me faudrait le génie d’un Maupassant ou le talent d’un Van Gogh pour traduire toute l’angoisse que je ressens à la simple idée de m’approcher d’une chaise! Le mot, à lui seul, me fait frémir!

Tout compte fait, je mourrai debout, comme ma grand-mère : debout, en lavant mes vitres, et ma dernière pensée sera pour Nelligan !


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