dimanche 27 janvier 2013

Les eaux noires de la beauté


Cette orgie de formes et de couleurs, de sons, de textures, fourrure, plumes, écailles, cette maladie de fleurs, ces infirmités de fruits, ces litanies d’eau, salvatrices, en trombe, en cascades, en torrents, ces fleuves sans commencement ni fin, ces cathédrales sylvestres luminescentes, ces chants, ces cris, ces hurlements d’amour qui se perdent dans la nuit, ces millions d’étoiles qui naissent et qui meurent, cette beauté-là, cette féerie, l’eau, le feu et la lumière, les arbres, et le chant des oiseaux, le premier jour du printemps, les dessous de la mer, ce bleu-là, ses mystères, tout cela, amour et beauté confondus, voilà pourquoi, voilà pour qui, j’écris. 
Toute cette littérature-là, cette folie du vivant, à s’en étourdir, de l’ahurissement béat à l’extase mystique, à ne plus faire la différence entre le petit de l’homme et celui de l’éléphant.
Et le soleil par-dessus tout cela, son sang, les mains grandes ouvertes, offertes, tendues, comme un dieu bienveillant.
Et moi, éperdu au beau milieu de cette forêt en liesse, avec mes liasses de mots et ces phrases impossibles qui me prennent toute la tête, ces eaux-là, noires, ces encres-là, moi qu’un rien émerveille, une plume, une fleur, moi que tout tue, au bord de l’évanouissement chaque fois que je respire le parfum des lilas, moi qu’une orchidée émeut aux larmes, perdu au milieu de mes phrases comme au milieu de nulle part, seul, comme au centre de la création, dans les eaux noires de la beauté, jusqu’à m’empoisonner.
Ce paradis : on m’en offrirait un autre que je n’en voudrais pas.
Je suis ce peintre-là, un peintre qui écrit, cette musique-là, dans toutes les langues : la luxuriance du Noir absolu, pour le temps qui m’est donné.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire