samedi 5 janvier 2013

Alors je pense à ceux qui ne sont plus là

Diane Dufresne,
J'me mets sur mon 36
Forum de Montréal, 1980
Je voudrais que ce soit l’été, là, tout de suite, soleil aveuglant, sueur perlant à mes sourcils, oiseaux et arbres en fleurs, et moi, là, tout sourire, suspendu entre ciel et terre, égrenant mes rêves au gré des nuages.
Je voudrais effacer ces larges cernes sous mes yeux, là, me coucher nu dans un champ de coquelicots, apprivoiser un papillon et courir après les abeilles, chanter quelque chose, manger des cerises et boire un grand verre de limonade rose.
Je voudrais offrir un bouquet de pivoines géantes, roses, à ma maîtresse de première année, là, devant toute la classe, et aussi peut-être l’embrasser.
Je voudrais revoir une dernière fois ma grand-mère, là, en ce moment même, terminer avec elle sa dernière toile, dire à mon père que j’ai finalement réparé moi-même la sonnette d’entrée, appeler mon frère pour lui dire que j’ai une bouteille de champagne au frais, pour lui, si jamais l’envie lui prenait de revenir.
Je voudrais me promener dans une forêt de lilas et d’eucalyptus dans l’espoir de croiser un loup qui me conterait fleurette, à moi, là, tout de rouge vêtu, des galettes à la mélasse plein les poches.
Je voudrais du rose et du géant partout, là, tout de suite, des fleurs roses géantes, des girafes roses géantes, des melons roses géants, et un gâteau d’anniversaire géant, rose, pour ma grand-mère.
Je voudrais me rouler dans la paille fraîche avec des petits lapins au museau rose, là, dans la paille fraîche et odorante, avec des lapins à ne plus savoir quoi en faire.
Je voudrais pouvoir transcender l’hiver, là, tout de suite. Alors je pense à ceux qui ne sont plus là et tout devient possible, tout redevient rose, merveilleusement rose.

2 commentaires:

  1. Merci de me faire voir le côté rose de la nostalgie. Peut-être parce que le rose s'accorde si bien avec le noir. Et que la vie devient plus importante avec la mort qui rôde. Merveilleusement, je ne sais pas, mais un peu tout de même, le souvenir est rosi comme les joues en ce jour d'hiver. ta jojo

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  2. Ma Jojo,
    il faudrait peut-être alors que j'ajuste mes lunettes aux couleurs de la mélancolie... Mais j'ai déjà tout dit sur les lilas, il me semble.
    Je nage toujours entres deux eaux: celles de la mélancolie et celles de la nostalgie. J'y reviendrai un jour. Ne serait-ce que pour le plaisir de lire à nouveau un autre de tes commentaires...

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