mardi 1 novembre 2011

La famille steak haché cru

Illustration pour Gargantua, 1851
Gustave Doré (1832-1883)
C’est l’été, celui qui vient de s’achever, l’été 2011, si beau, si chaud, si long. Du haut de mon balcon, j’assiste à la scène suivante :

C’est vendredi. Comme à son habitude, le père de Pascal et de Sandrine allume son barbecue. Il n’a même pas pris la peine de se changer. Il porte la cravate que ses enfants lui ont offerte pour la Fête des Pères.

D’un geste théâtral, il retrousse ses manches, dénoue sa cravate, s’essuie le front. Puis, sous le regard plein de convoitise de sa progéniture boulimique, le cuistot s’exécute : il plonge à deux mains dans la viande hachée crue qu’il façonne en énormes boulettes et qu’il aplatit ensuite du revers de la main avec force bruit.

Pascal et Sandrine le regardent faire, silencieux, admiratifs, la bouche grande ouverte : on dirait deux gros oisillons affamés quémandant leur pitance. C’est l’heure de la becquée : les petits avalent goulûment la portion de viande crue que leur présente leur père. Le cœur au bord des lèvres, j’observe cette bande de joyeux carnivores, et ces vers de Musset me reviennent en mémoire :

« Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux. »

Et, tandis que la famille steak haché cru s’empiffre de hamburgers tout dégoulinants de ketchup et de gras, le cœur dans mon assiette, je termine avec peine ma salade aux endives, aux pommes et aux noix.


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