dimanche 27 novembre 2011

La bibliophilie est une maladie incurable

Hommage à Pierre Dostie, 2011
Photo: Denis Payette
Tous les jours, je prends mon pied; je le prends où je veux et quand je veux. Dans la chambre, dans la cuisine ou au salon, dans ma baignoire ou même au parc, dans le métro, dans l’autobus, chez ma mère, au supermarché, dans le cabinet de mon médecin. Qu’importe l’endroit ou l’heure, ma passion l’emporte toujours sur la raison. Je n’aurai vécu que pour elle : je suis un bibliophile boulimique.

Pour me convaincre que je ne suis pas seul, je me rends parfois dans une bibliothèque, lieu de prédilection pour les aficionados dans mon genre qui savent que là, en toute quiétude et sans honte, ils pourront s’adonner et se donner tout entier à leur vice, à ce plaisir solitaire que l’on appelle aussi la lecture.

Comme tout lecteur qui se respecte, je suis à la fois voyeur et exhibitionniste. J’aime particulièrement être surpris en flagrant délit de lecture, cela flatte mon ego, c’est l’exhibitionniste en moi qui s’éveille : je sais que l’on m’observe, peut-être même m’envie-t-on, qui sait, et c’est sans doute ce qui me confère ce sourire si étrange, mélange d’attraction et de répulsion, que l’on confond parfois avec le charme, et que certains osent encore appeler la beauté du diable.

Observer un lecteur à la dérobée me procure une joie indicible : « Dis-moi que tu lis Proust et je t’embrasserai à bouche que veux-tu. » D’abord, ne pas se faire prendre, y aller de façon intermittente; on vise à côté, une fois sur deux, on fait semblant de regarder ailleurs, le plafond par exemple, ça paraît toujours bien, on a l’air intelligent quand on regarde le plafond ; ensuite, au moment opportun, jeter un œil furtif sur le livre du lecteur, puis sur le lecteur lui-même. On sait que l’on est un voyeur aguerri quand on peut dire le titre du livre aussi bien que la couleur des yeux du lecteur que l’on épie sans vergogne depuis plus d’une heure!

La bibliophilie est une maladie incurable. L’amour aussi, sous toutes ses formes.


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