dimanche 25 septembre 2011

Quand la nuit se referme enfin sur moi

La victoire, 1939
René Magritte (1898-1967)
Chaque matin au réveil, j’obéis à un rituel précis : je m’ouvre à la vie en ouvrant tout ce qui se trouve à ma portée : rideaux, fenêtres, tiroirs, portes, robinet, rien n’échappe à cette frénésie aurorale. S’ouvrir, c’est dire oui à la vie. J’agis en pleine conscience, persuadé que chacun de mes gestes revêt un sens sacré. Dans le verbe « ouvrir », d’ailleurs, il y a le mot « oui ».

Dans un geste théâtral, à deux mains, j’écarte les rideaux et j’ouvre la fenêtre, humant au passage le premier souffle du jour qui me sourit comme un enfant encore tout enrubanné dans ses rêves. Je m’étire au soleil s’il fait soleil, je bénis la pluie s’il pleut, et si j’ai le bonheur d’apercevoir un oiseau, je lui demande des nouvelles de l’au-delà. Je cueille les points d’exclamation de la victoire de la vie sur la mort que je dispose ensuite en bouquet au centre de la table en guise d’autel.

Puis c’est toute la maison qui s’anime, dans un joyeux tintamarre de tiroirs et de portes qui s’ouvrent et se referment, de bruit de vaisselle qui s’entrechoque et de ruissellement d’eau, chacun chacune y allant de sa petite musique : c’est à qui crierait le plus fort, une frénésie jubilatoire, une course contre la montre pour célébrer le triomphe d’un nouveau jour!

C’est ainsi que chaque matin, sans allumette, j’allume le jour en même temps que la radio. Je prends le pouls de la ville en même temps que le mien. Comme plusieurs, des milliers, j’appartiens au règne des vertébrés matutinaux heureux.

Et quand la nuit se referme enfin sur moi, j’ouvre alors toutes grandes les vannes du rêve et, à l’instar de Baudelaire, je plonge tête première « au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe? /Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau! », disposant de tout l’espace de la nuit pour refaire le monde à ma guise, dans l’espoir de chanter à nouveau le lendemain au réveil.

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