mercredi 21 août 2013

Un écureuil, ça goûte quoi?


La pluie et le beau temps, 1955
Jacques Prévert (1900-1977)
Les escargots, les limaces et les écureuils font la pluie et le beau temps dans mon jardin.

Aucune plante ne leur résiste ; pas une feuille qui ne soit mangée, grugée, rongée, percée, trouée ; les fleurs sont cadavériques, littéralement vidées de leur sève, de leurs sucs, exsangues.

J’ai d’abord tenté de les éloigner de manière naturelle, écologique : des coquilles d’œufs broyées, des cheveux de septuagénaire, du poivre de Cayenne, de la bière, du tofu, du Cheez Whiz, du Pepto-Bismol, de l’huile de saint Joseph, mais sans succès.

J’ai pensé ensuite les faire fuir en disposant çà et là, aux endroits les plus stratégiques, des vire-vent, en agitant des crécelles à heures fixes, en faisant tourner des moulins à prières tibétains les soirs de pleine lune ; j’ai cru pouvoir enfin m’en débarrasser pour de bon, les achever, en faisant jouer à tue-tête la trame sonore du film Adieu ma concubine, à six heures le matin…

J’ai acheté de la poudre à gratter, de la poudre de perlimpinpin, de la poudre d’escampette…

Enfin, à bout de ressources, j’ai envisagé des moyens nettement plus drastiques : une solution de vitriol, me disais-je, en mélange avec du vinaigre, du miel, du bicarbonate de soude, de la sauce Mille-Îles et deux ou trois gouttes de mercurochrome pourrait sans doute en venir à bout…

Mon jardin décimé n’est plus qu’un champ de bataille ; c’est à se demander qui de lui ou de moi est le plus dévasté. Pour cette année, en tout cas, c’est terminé : j’abandonne, je rends les armes, j’abdique, et je brandis piteusement le drapeau blanc de la défaite, un drapeau blanc, jaune sale, troué.

Pour m’en remettre, je me dis que La pluie et le beau temps, après tout, c’est aussi le titre d’un livre de Prévert.

Mais au fait, un écureuil, ça goûte quoi ? 


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