mercredi 14 août 2013

J'écris juillet à rebours


À partir du mois de septembre l’année dernière,
je n’ai plus rien fait d’autre qu’attendre un homme :
qu’il me téléphone et qu’il vienne chez moi.
Annie Ernaux

Passion simple, 1991
Annie Ernaux
L’air est lourd, l’humidité accablante, le temps est à la pluie. Une brise légère agite le rideau de mousseline : on dirait qu’un nuage est entré dans ma chambre pour se faire caresser. J’attends l’orage, j’attends l’amour, languissamment.

La pluie tambourine à ma fenêtre : une vestale en robe blanche qui joue de la harpe; la main de Jupiter caressant la joue glabre de Ganymède. La même musique, le même bruissement d’ailes.

Tout ruisselant et alangui par la chaleur, les bras en croix, j’attends, le regard atone, la tête dans un ailleurs d’images abracadabrantesques, effaçant au fur et à mesure, un à un, les points de suspension qui brouillent ma rêverie…

J’ai disposé çà et là des fraises sur l’oreiller. Tu les mangeras à ton retour.

J’écris juillet à rebours, sa lumière crue, ses orages, ses soubresauts, ses humeurs capricieuses, ses ors et ses encres, ses orgues et ses délices, et son champagne rose « qui mousse de rayons[1] ».

Les orages d’été sont faits pour faire l’amour.



[1] RIMBAUD, Arthur, « Le Dormeur du val », 1870.

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