jeudi 16 février 2012

Repasser dix fois la même chemise

Marilyn, 1964
Andy Warhol (1928-1989)
« Aucune volupté ne surpasse celle qu’on éprouve à l’idée qu’on aurait pu se maintenir dans un état de pure possibilité. » (E. M. Cioran)

C’est une de ces journées tristes et grises de février comme cela n’est pas permis, une journée de pluie sans pluie. C’est une de ces journées noires, perdues d’avance, une de ces journées pendant lesquelles, quoi que vous fassiez, vous en avez la certitude, IL N’ARRIVERA RIEN! Sans trop savoir pourquoi, vous pensez à Marilyn.

C’est Le Mal de vivre de Barbara ou, pire, le Précis de décomposition de Cioran : une lumière noire embrouille les circuits de votre cerveau. Vous pourriez, par exemple, casser des verres par exprès toute la journée, faire marcher l’aspirateur pour rien, repasser dix fois la même chemise, qu’importe le prétexte, il vous faut tenir le coup, ABSOLUMENT, jusqu’au soir.

Et pourtant, c’est cela même, cette certitude qu’il n’arrivera rien, qu’il ne peut rien VOUS arriver, qui vous sauve du pire. Dans la perspective même que rien ne pourrait advenir, vous découvrez tous les possibles du non-advenu, les potentialités d’une inespérée et salvatrice latence; du coup, votre apathie morbide et votre mal de vivre s’éclipsent, se volatilisent. Vous récrirez l’histoire à l’encre rose, s’il le faut. Et Marilyn pourra, à nouveau, sourire.

Il faut imaginer Marilyn heureuse, ABSOLUMENT!

Alors, vous sortez votre plus belle chemise, et vous la repassez, avec le plus grand soin.


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