jeudi 23 février 2012

L'année même où Borduas achevait L'Étoile noire


L'Étoile noire, 1957
Paul-Émile Borduas (1905-1960)
J’ai toujours vu la vie en couleurs. J’ai toujours poursuivi des chimères. Je suis un entêté de la vie.

Enfant, je dessinais la pluie, je cherchais la couleur exacte du vent, j’arrosais même les cailloux dans l’espoir de les voir fleurir! J’étais un idéaliste. Quand on ne sait pas encore nommer le monde, toutes les fleurs sont bleues, tous les nuages sont roses.

Plus tard, j’ai compris que les mots aussi généraient leur propre lumière, qu’ils brillaient de leur propre éclat, qu’ils irradiaient même! Quand j’écrivais, j’avais l’impression de pétrir la matière, j’entrevoyais des lumières nouvelles, j’accédais à un monde surnaturel. Je n’écrivais pas, je dessinais avec les mots!

Aujourd’hui, je n’écris plus que « par déception du monde » (sic) : parce que les lilas ne fleurissent pas douze mois par année, parce que les chats sont trop beaux, parce que je ne mettrai jamais les pieds sur la lune, parce que la candeur débouche toujours sur la mélancolie. De l’entêtement pur et simple. De l’acharnement esthétique.

J’aime à penser que je suis né l’année même où Borduas achevait L’Étoile noire. J’aime à croire, aussi, qu’il signait là, trois ans avant sa mort, son chant du cygne.

Je suis un peintre qui écrit, les roses noires, les roses blanches de la vie.

1 commentaire:

  1. L'écrivain Douglas Kennedy disait récemment dans une interview: "tous les gens qui écrivent ont des idées noires". Est-ce que tout le monde n'en a pas? Et est-ce le privilège des écrivains d'en faire une étoile...noire?

    jojo

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