vendredi 22 avril 2011

Je n'en reviens pas des abeilles


Les abeilles, 1948
Henri Matisse (1869-1954)

Je n’en reviens pas des abeilles, ces infatigables travailleuses du sexe, toujours au boulot, toujours le nez fourré dans le cul des fleurs, toujours saoules.

Jolies, en plus, dans leur petit maillot à rayures noires et jaunes, des plumes à leur chapeau, le sac à main toujours bien rempli, tout pour nous faire oublier leur parfum trop lourd, leur voix trop mielleuse.

Incapables de résister à la bière, au champagne, orgiaques à souhait, les abeilles se vautrent dans l’or à longueur de journée, insatiables, les lèvres dégoulinantes de nectar, lascives et sensuelles, allumeuses, l’haleine sucrée de mille fleurs, vrombissant et jouissant, jusqu’au vertige, jusqu’à plus soif, jusqu’à l’extase, jusqu’à ce qu’elles ne soient plus qu’un brasier d’amour, un baiser gourmand, ardent, transcendant.

Peut-être envient-elles un peu les papillons, leurs grandes ailes tendues comme des voiles, chatoyantes comme ces robes de bal qu’on ne porte qu’au théâtre, qu’on ne voit qu’à l’opéra ; peut-être envient-elles encore davantage les oiseaux-mouches drapés dans leur queue-de-pie irisée et en haut de forme. C’est peut-être pour cela, oui, pour oublier, que les abeilles s’enivrent.

Apôtres de l’amour absolu, les abeilles ne donnent que le meilleur d’elles-mêmes.

On oublie trop souvent que, sans elles, les dieux ne seraient pas immortels.



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