vendredi 14 septembre 2012

À quand le retour de la fraise espagnole?


 
Pourquoi j’aime Amélie Nothomb? Parce qu’elle est la seule, à ma connaissance, à écrire des phrases impossibles, improbables, impayables, des phrases que personne d’autre qu’elle ne peut écrire, parce que c’est cela, justement, écrire, c’est s’approprier le langage, le réinventer, comme si vous étiez le seul à pouvoir le faire, comme si vous étiez le premier. Nothomb, c’est ça : une langue, un style, une manière bien à elle, et puis ce petit je-ne-sais-quoi de fallacieux dans le propos, sa marque de commerce, qui nous la fait aimer ou détester, c’est selon :
« Le trafic des indulgences a soulagé bien des problèmes digestifs. » (p.28)
« J’ai une passion théologique pour les œufs. » (p.32)
« L’inventeur du champagne rosé a réussi le contraire de la quête des alchimistes : il a transformé l’or en grenadine. » (p.59)
« Je suis pour le retour de la fraise espagnole, il n’y a pas plus seyant. » (p.84)
« Mon ambition était de devenir un œuf. » (p.89)
« Vous ressemblez à une asperge. Vous êtes longue et mince, votre parfum n’en évoque aucun autre, et rien sur terre n’égale l’excellence de votre tête. » (p.106)
« … véritable pyrotechnie d’organdi. » (p.84)
« … apicultrice intergalactique. » (p.166)
Humour belge? Poésie surréaliste? Qui peut se vanter d’en faire autant?
Amélie est à la métaphysique absurde ce que Jean de la Croix est au mysticisme chrétien : la même folie grandiloquente, la même exaltation délirante.
Mythomanie perverse, rodomontade de mauvais goût diront ses détracteurs.
Dans Barbe bleue[1], le dernier opus de madame Nothomb, le génie frôle Amélie. Encore une fois.
À quand le retour de la fraise espagnole?



[1] Amélie NOTHOMB, Barbe bleue, Paris, Albin Michel, 2012.

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