jeudi 5 janvier 2012

La main qui pense

Edward aux mains d'argent, 1991
Tim Burton
Quand l’envie d’écrire me prend, c’est que la main me démange trop. Rien ne sert de lutter, de remettre à plus tard, de faire la sourde oreille, impossible d’ignorer l’injonction : je rends les armes et j’obtempère.

On pourrait croire que la main n’obéit qu’à l’influx du cerveau, que c’est lui le seul maître à bord, que c’est l’esprit qui commande, qui décide de nos pensées, que la main n’est que le véhicule par lequel nos idées prennent forme, qu’elles se concrétisent en quelque sorte. Rien de plus faux! Quand je lis À la recherche du temps perdu, quand j’admire Le Baiser, quand j’écoute les Variations Goldberg, force m’est d’admettre que Proust, Rodin, Bach pensaient davantage avec leurs mains qu’avec leur tête! C’est comme si la main, dans leur cas, était dotée de son propre cerveau!

On sous-estime la valeur et le pouvoir réels de la main dans le processus créateur : que seraient la pensée, la création au sens large, l’art sous toutes ses formes, sans le concours et l’appui inconditionnel de la main? Comment Dieu, manchot, aurait-il pu créer le monde, façonner Adam à son image, fleurir le paradis terrestre?

Nul doute, c’est bien la main qui distingue l’homme de la bête. Personne ne peut contester cette vérité. Pour moi, écrire, de plus en plus, consiste tout simplement à laisser vagabonder ma main là où elle veut bien me mener, comme Proust, comme Rodin, comme Bach me l'enseignent. Je leur fais entièrement confiance. Fini l’angoisse devant la page blanche : on n’a qu’à se persuader que c’est la main qui pense à notre place.

2 commentaires:

  1. C'est de mes blanches mains que j'ai fait la galette des Rois et je m'écarte quelques instants pour en griller une en réfléchissant aux mains. Et je suis bien d'accord. ta Jojo

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  2. Mon Iseut-Jojo aux blanches mains, si tu savais comme je t'aime!

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