dimanche 20 mars 2011

Les mots se sentent parfois si seuls

La desserte, 1897
Henri Matisse (1869-1954)
J’ai toujours eu un faible pour les mots qui commencent par la lettre « h », je ne sais pas pourquoi. Tous les mots qui s’écrivent avec un « h », aspiré ou non, m’ont toujours intrigué. Enfant, je croyais que la lettre « h » cachait un « phantôme ».

Parmi ceux-ci, « hurluberlu » est le plus joli, indéniablement, celui que je préfère. Je ne cesse de le tourner sous ma langue, savourant chaque syllabe : hur-lu-ber-lu. J’aime sa consonance particulière; on dirait un mot étranger. Je me fous du sens d’un mot, c’est sa sonorité, sa beauté, que je considère d’abord. Si j’avais inventé ce mot, il désignerait un oiseau exotique ou une plante carnivore. « Hourvari » n’est pas à dédaigner non plus, de même que « hiéroglyphe ».

Poète, je nourris à l’endroit des mots un amour inconditionnel; je me nourris presque essentiellement d’eux. Je trouve dommage que, à ce jour, personne n’ait jamais pensé à nous en offrir en épicerie : je serais le premier à en acheter, qu’ils soient en solde ou non.

Il y a aussi des mots qui nous rebutent ou nous répugnent, carrément : « salmigondis », par exemple, on dirait à la fois le nom d’une maladie incurable et celui d’un champignon hallucinogène; d’autres, enfin, comme « pandémonium », qui vous font croire que vous êtes riche, ou intelligent, ou né sous une bonne étoile.

Parfois, il m’arrive de rêver que, sur la rue, un mot me siffle pour me dire qu’il me trouve de son goût. Les mots se sentent parfois si seuls dans leur dictionnaire; il faut bien de temps en temps les inviter à notre table.

Les mots, moi, je les apprête en ragoût.


3 commentaires:

  1. Pour ma part, le mot hurluberlu me fait penser au Capitaine Bonhomme qu'il disait si bien dans son célèbre "Hé dites donc espèce d'hurluberlu de pachyderme!". Le mot pachyderme n'est pas mal non plus....Les mots sont-ils parfois jaloux les uns des autres ? Un mot pourrait dire "Cet auteur ne m'utilise jamais!". Et un autre, dire "Moi il me prend toujours dans ses phases...". Réellement, j'adore ton blog. Ton ti-frère, Joe

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  2. Joe, quelle joie de se savoir compris par son petit frère. Moi, je t'aime « réellement », « franchement », comme disait feu notre père (qui est aux cieux). C'est pour vous tous (toi, Louise, Geneviève et Suzanne, entre autres, que j'écris: vous m'inspirez plus encore que vous ne le pensez. Et toi, Mario, j'ai l'impression que tu lis toujours dans mes pensées.
    Merci

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  3. Merci à toi, mon frère, pour ces textes si plaisants à lire. Je t'aime aussi. Le ti.

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