Le Tumulte noir, 1927 Paul Colin (1892-1985) |
J’essaie de trouver une formule magique pour faire apparaître le printemps, mais rien n’y fait. Tout ce qui me vient à l’esprit est cette phrase biscornue : « Les bananes jouent au badminton. »
Je répète à voix haute à trois reprises la formule abracadabrante : « les bananes jouent au badminton », trois fois je la répète, trois, cette incantation, mais toujours rien, sinon l’image de Joséphine Baker telle que l’a immortalisée Paul Colin dans son aguichant pagne de bananes.
J’essaie à nouveau, m’inspirant cette fois d’un dialecte zoulou : « Lé ba’nan zou ô badhé minh teune. » Peine perdue, pas la moindre tulipe à l’horizon, à peine si les érables coulent! Le charme n’opère toujours pas. J’abandonne.
Je me demande ce que Nicolas Boileau, en son temps, aurait pensé d’une telle phrase. Molière aurait-il apprécié? Je me console en me disant : « Voilà au moins une phrase que la marquise de Sévigné n’aurait jamais pu écrire. »
Aurais-je inventé à mon insu une panacée pour nous prémunir contre la dépression saisonnière, qui sait? Devrais-je alors songer à faire breveter ma formule? Je pourrai toujours, en attendant, m’en servir comme mantra : « Lé ba’nan zou ô bahdé minh teune », ce qui revient à dire, pour citer Pline : « Il ne faut désespérer de rien; mais il ne faut compter sur rien. »
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