Je vous aime, 1999
Irène Frain |
« C'est Vénus tout entière à sa proie attachée. »
Racine, Phèdre (I, 3, v. 306)
Racine, Phèdre (I, 3, v. 306)
Un
jour j’ai reçu une lettre, une lettre d’amour. Je n’en avais jamais reçu de
pareille. L’écriture était soignée, le ton était celui de l’aveu et le
destinateur s’y livrait corps et âme. Toute ma vie j’avais attendu cette
lettre, pourtant, j’étais incapable de me résoudre à y répondre. J’ai rangé la
lettre quelque part et j’ai fini par l’oublier.
Puis
un jour, par hasard, je l’ai retrouvée, la lettre d’amour fou, la lettre trop
belle pour ne pas être sincère, la lettre au « vous » qui ressemblait
à un billet doux.
La
lettre parlait de ma voix, de mes mains, de mon regard et de mon sourire à demi.
Si j’en divulguais aujourd’hui le contenu, j’aurais l’impression de profaner
l’amour. Une lettre comme on en écrivait au XVIIe siècle, une lettre
que l’on porte à son cœur en levant les yeux au ciel, une lettre que l’on relit
cent fois!
J’admirais
l’audace et la témérité du signataire qui me confessait ainsi sans pudeur son
amour désespéré et qui risquait le tout pour le tout, m’écrivait-il, pour se
libérer de cet amour impossible, condamné avant même que de naître.
Un
jour, il y a longtemps déjà, j’ai reçu une lettre, une lettre demeurée sans
réponse. Un jeune homme s’y livrait corps et âme, au risque, précisait-il, de
ne plus être en mesure d'affronter mon regard.
J’ai
connu ce bonheur, j’ai eu cette chance, et ce malheur aussi. J’ai dû me
résigner à oublier que je n’avais jamais donné suite à cette lettre.
J’étais
alors un jeune professeur et j’avais décidé, cette année-là, de faire lire à
mes élèves Phèdre de Racine.
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