L'immense ennui est un caleçon/ Pour éléphants
/Qui marchent pieds nus autour du soleil.
/Qui marchent pieds nus autour du soleil.
Francis Picabia
Ma mère, en 1958
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Le dimanche, on allait à la messe
en famille. On mettait nos habits du dimanche, nos souliers neufs. C’était
toujours pareil, c’était toujours le même dimanche. Il me semble qu’il faisait
toujours beau.
L’après-midi, on allait chez ma
tante Annette. Au salon, les hommes parlaient de chasse, de pêche ou de
politique. Dans la cuisine, ma tante s’entretenait de mode avec ma mère et mes
sœurs. Mon frère et moi attendions impatiemment le moment où ma tante nous offrirait
un verre de Cream soda, d’Orange Crush ou de 7 Up, des peanuts salées ou des
caramels Kraft. C’était à mourir d’ennui, mais on ne le laissait jamais
paraître. On disait merci et on attendait 4 heures, sans broncher. Même la
chienne avait l’air de s’ennuyer.
L’été, on allait au chalet de ma
grand-mère maternelle. On pourchassait les écureuils, on attrapait des
grenouilles, on allait chercher de l’eau de source. On avait toujours peur de
croiser un ours. Le chalet tombait en ruines.
Quand on restait à la maison, mon
père faisait une sieste, ma mère préparait du sucre à la crème. Les après-midi
s’éternisaient. Il ne se passait jamais rien. Le soir, en famille, on écoutait « Les
beaux dimanches » ou « The Ed Sullivan Show » en bayant aux
corneilles. On faisait semblant d’aimer ça, on faisait semblant de comprendre.
Les jours coulaient heureux,
tranquilles, blancs. Et puis, un jour, nous n’avons plus été à la messe, nous
ne nous sommes plus endimanchés. Mais je me souviens encore du tablier de ma
mère, celui qu’elle ne portait que le dimanche.
À partir de quand, exactement, commence-t-on
réellement à détester les dimanches?
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