A priori, on pourrait penser qu’il s’agit d’une toile inédite de Salvador Dalí : « Nez de clown dans un bocal à poisson rouge », une autre de ses géniales anamorphoses. On est ici à des lieues à la ronde des poèmes de Jean de la Croix, des « Pensées » de Pascal ou de l’autobiographie posthume de sœur Emmanuelle.
Je ne sais d’où m’est venue cette idée incongrue, cette image insolite, et je ne cherche surtout pas à le savoir : les plus grandes trouvailles, les découvertes marquantes comme les inventions les plus révolutionnaires, sont souvent le fruit du hasard.
En poésie, on ne cherche pas à comprendre, mais à surprendre. Baudelaire nous le rappelle sans cesse : « Le beau est toujours bizarre. » En revanche, le bizarre n’est pas toujours nécessairement beau. D’un point de vue purement esthétique, un nez de clown dans un bocal à poisson rouge me paraît une image réussie, évocatrice : j’y décèle ce sentiment trouble qui confère à la condition humaine toute sa grandiloquence et toute sa vulnérabilité, cette beauté fugace qui fait de nous des êtres uniques, compatissants, fragiles.
« Le beau est toujours bizarre », j’en fais le constat chaque fois que j’ouvre au hasard « Les Fleurs du Mal ».
Un nez de clown dans un bocal à poisson rouge : on n’était pas si loin, finalement, de Jean de la Croix, de Pascal et de sœur Emmanuelle, ce qui donne doublement raison à Baudelaire.
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